Les poncifs ont la vie dure. J’entend encore certaines personnes trouver que " jouer avec une boite à rythme et des loops, ce n’est pas faire du jazz". Non pas que la controverse - jazz ou pas jazz - m’intéresse, mais cela montre surtout une vraie ignorance (au mieux) sur l'utilisation de ces instruments. Du coup, voici une petite explication sur la manière dont je les utilise.
• La boite à rythme : elle contient des « patterns » (rythme de base sur 4 ou 8 mesures) qui tournent en boucle. Je choisi un rythme avant de commencer un morceau. Selon l’inspiration, il pourra être d’un style ou d’un autre. Idem pour le tempo. Avec une pédale on/off, je commande au pied le go ou le stop. Il n’y a aucune structure (genre couplet/refrain par exemple) enregistrée, ceci pour permettre une totale liberté sur la durée du titre qui sera totalement improvisé.
• Les loops : on associe à tord loop et playback car il est en effet possible d’enregistrer à l’avance des boucles dans certains loopers. Mais ceci est contradictoire avec l’idée d’improvisation et de musique vivante. Or tout l’intérêt d’un looper est justement de permettre l'improvisation sur une base d’accord. Voici le mode opératoire (pour ceux qui ne le connaissent pas). Après avoir joué une intro, au moment ou je vais attaquer le chant (ou le thème pour le saxophone) j’enregistre la boucle de la grille en appuyant au pied sur le premier temps de la première mesure du premier accord du titre. Arrivé à la fin de la grille, j’appuie à nouveau sur le même bouton exactement au même endroit. La boucle joue alors toute seule en reproduisant ce que je viens de jouer (y compris les fausses notes), autant de fois que je le veux. Chaque boucle est donc jouée en direct. Tout est cuisiné maison sur le moment. Non seulement cela n’a donc rien à voir avec un playback mais surtout cet exercice est plutôt délicat. On a intérêt à ne pas se rater !
• La basse : « il y a une basse qui joue alors qu’il n’y a pas de bassiste. Pouah ! lls jouent sur des playbacks ». Si vous comptez bien, il y a sur ma chère petite Ibanez, une septième corde. Elle est accordée en LA grave ce qui me permet de jouer des lignes de basse en même temps que les accords. Une technique de "walking bass" que la plupart des guitaristes de jazz connaissent. Cette corde de plus apporte des contraintes supplémentaires comme un changement de doigté d’accord, un gros travail au pouce, etc. Surtout il nécessite un groove particulier type basse qu’il faut jouer de façon complémentaire aux accords de guitare à la façon des grands maîtres comme les Pizzarelli père et fils ou mon ami Giuliano Ligabue.
Conclusion
Si vous avec lu cet article jusqu’au bout (bravo pour votre courage), vous le réalisez peut-être : contrôler à la fois la boite à rythme, l’enregistrement et la reproduction de la boucle, faire groover basse et guitare, chanter en même temps puis improviser par dessus la boucle… Tout ceci demande infiniment plus de concentration. Vous pouvez me croire : être accompagné par un batteur et un bassiste est beaucoup plus confortable . Quant à savoir ce qui est "jazz" ou ce qui ne l'est pas, c'est une autre histoire.
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